L’Opération Condor
Dans les années 1970 et 1980, les gouvernements dictatoriaux d’Argentine, de la Bolivie, du Brésil, du Chili, du Paraguay et de l’Uruguay sont à l’origine d’une forte répression clandestine des opposants au régime, notamment dans les milieux gauchisants, parfois au-delà même des frontières de ces pays. Soutenus par la CIA, peu favorable à la mise en place de gouvernements de gauche, dont Cuba est depuis la fin des années 1950 un mauvais exemple, les services secrets de ces six pays d’Amérique du Sud organisent une étroite collaboration appelée Opération (ou Plan) Condor. L’Opération Condor est donc une manifestation de la répression d’Etat en Amérique Latine dans le cadre de la guerre sale, commencée dès les années 1960, par exemple au Brésil, qui a provoqué la disparition de plus de 30 000 personnes sur le continent.
Le 11 septembre 1973, le putsch militaire fomenté à l’encontre de Salvador Allende porte Augusto Pinochet au pouvoir. La DINA (en espagnol, Dirección de Inteligencia Nacional) chilienne collabore dès lors avec les autres services de sécurité d’Amérique du Sud. En 1975, le premier chef de cette police nationale, Manuel Contreras, invite les représentants des services secrets des cinq autres pays, officialisant ainsi l’Opération Condor. Celle-ci a été mise en place par divers organismes couramment appelés escadrons de la mort et qui pratiquèrent la torture, les menaces, les prises d’otages et les assassinats sommaires. Parmi ceux-ci, on peut notamment mentionner la Triple A (Alliance Anticommuniste Argentine) ou la Caravane de la Mort au Chili.
Les Etats-Unis, dans le cadre de la guerre froide et de la lutte contre le communisme, ont supporté, d’une part, ces régimes dictatoriaux qui étaient dociles à leur égard, d’autre part les agissements de leurs services secrets. Ce n’est qu’avec l’élection de Jimmy Carter en novembre 1976 que les Etats-Unis commencèrent à se montrer réticents à soutenir ces dictatures qui bafouaient les droits de l’homme et à conditionner leur aide économique. Auparavant, Kissinger, conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis, avait, certes, adopté en juin de la même année un discours favorable au respect des droits de l’homme, mais le soutien de Washington sous Nixon et Ford est bel est bien resté intact.
Si aujourd’hui, beaucoup de ceux qui ont participé à ces exactions sont en liberté, l’amnistie dont ils bénéficient est bien souvent remise en cause. Ainsi Baltasar Garzón, juge espagnol, avait-il inculpé Pinochet à Londres en 1998 avant de tenter d’auditionner Kissinger. Plus récemment, en Argentine, les condamnations pour crimes contre l’humanité ont repris depuis 2008.